Qu'est ce que la communication

 

Les contours de la notion de communication

 

Personne ne peut douter de la pluralité des usages du terme de communication. A tel point que ce terme offre une parfaite illustration de l’aphorisme du philosophe autrichien Wittgenstein pour qui « un mot n’a pas de sens mais seulement des significations ».

En effet, le sens de ce mot n’est pas fixé une bonne fois pour toute dans la mesure où il dépend directement du contexte dans lequel il est utilisé. Dit autrement, il n’est pas aberrant d’affirmer que le terme de « communication » n’a pas de sens mais seulement des usages qui varient en fonction des situations. Si le flou de la notion de communication ne fait aucun doute, on peut tout de même tenter de discriminer les principaux domaines auxquels elle se rapporte.

A titre d’exemple, voici trois propositions pertinentes de définition de la notion de communication proposées par des chercheurs et universitaires en sciences sociales.
Dans un livre intitulé L’explosion de la communication, Serge Proulx et Philippe Breton sépare le champ de la communication en trois grands domaines distincts :

  • La communication médiatisée, qui implique généralement des messages circulant entre des groupes de personnes ou d’une personne à un groupe
  • Les communications au sens des moyens de transport physique des individus
  • La communication interpersonnelle, c’est-à-dire tout le domaine de la communication directe entre les personnes. (Ce troisième domaine concerne notre sujet de recherche.)

 

Afin de distinguer les activités humaines qui relèvent de la communication, Daniel Bougnoux propose d’associer le concept de communication à toutes les formes d’action de l’homme sur l’homme, par opposition à la relation sujet/objet. L’action communicationnelle, affirme l'auteur ne met pas en relation le sujet et l’objet mais le sujet avec le sujet. S’il fallait définir ce terme par une simple formule, on pourrait ainsi affirmer que la communication, c’est l’homme agissant sur les représentations de l’homme par le détour des signes.

La communication, c’est aussi, et même avant tout, du lien social. Toutefois, si l’on en croit Philippe Breton , le discours qui fait de la communication une valeur centrale à laquelle il est nécessaire de recourir systématiquement pour résoudre toutes sortes de problèmes sociaux et économiques est, d’apparition historique assez récente.

Selon lui, ce qu’on appelle l’idéologie de la communication est née en occident dans les années comprises entre 1940 et 1950. Jacqueline de Romilly nous précise qu'au temps de la Grèce antique, la parole permettait déjà « d'offrir une substitution » à la situation de violence, avec la mise en place des jeux sur l'agora , et de l'institution du tribunal, qui opérait comme un ersatz à la vengeance et à la guerre... Jacqueline de Romilly, la Grèce antique contre la violence (page 16-17)


Comme nous le suggère Daniel Bougnoux dans son dictionnaire sur les Sciences de l’information et de la communication, pour comprendre le succès de ces discours, il est nécessaire de partir de la symbolique du terme de communication qui s’oppose à celui de violence. Cette alternative entre communication et barbarie, affirme Bougnoux, remonte au temps de la Grèce ancienne.

Les grecs qualifiaient en effet de barbares, c’est-à-dire, étymologiquement, ceux qui parlent par borborygmes, toutes les populations qui ne parlaient pas leur langage, donc qui ne pouvaient pas communiquer avec eux et accéder, du même coup, à la raison. Les citoyens grecs sont particulièrement encouragés à prendre la parole et ceci fait partie des devoir civiques.


Philippe Breton nous précise à cet effet :

« la justice grecque inaugure un changement radical qui seule permet un début de pacification des rapports sociaux... Un pas décisif a été franchi, on a imaginé un monde moins violent et c'est la parole qui est l'outil de cette transformation. De cet espoir, la parole sort avec le statut d'un idéal pacificateur ».


 

Deux grands modèles d'analyse de la communication dominent le champ

 

  • un modèle techniciste, issu des réflexions et de l'approche cybernétique et
  • Les communications au sens des moyens de transport physique des individus
  • un modèle psychosociologique issu des travaux de la psychologie sociale.

Shannon

En 1952, l'ingénieur Shannon élabore une théorie, en lien avec des observations et des travaux réalisés par les ingénieurs en télécommunications. Son objectif était d'améliorer la transmission d'une information d'un point à un autre. Il met en évidence la relation entre un émetteur, la personne qui envoie le message et un récepteur la personne qui le reçoit. Pour que tout ceci soit compréhensible il est nécessaire d'avoir un codage, ainsi qu'un canal de communication. Afin d'être efficace, ce système doit avoir une modalité de contrôle : c'est le feed-back, ou boucle de rétroaction du récepteur vers l'émetteur.


Le modèle Shannon, issu de la cybernétique a remporté un grand succès.
Ce modèle de communication ne tient pas compte des rétroactions qui sont réalisées par les individus. Ces derniers sont sujets à des contraintes sociales, des systèmes de normes et de valeurs et subissent l'influence de facteurs psychologiques.

L'analyse psychosociologique

Une approche nous intéresse davantage pour ce thème, c'est l'analyse psychosociologique de la communication.
Pour l'auteur Jean-Claude Abric

« La communication est l'ensemble des processus par lesquels s'effectuent les échanges d'informations et de significations entre des personnes dans une situation sociale donnée.Échanges d'information, de signification : les processus de communication sont donc fondamentalement sociaux, ils reposent et sont déterminés par les phénomènes d'interaction. Toute communication est une interaction. Étant une interaction, elle se présente comme un phénomène dynamique produisant une transformation. C'est-à-dire qu'elle s'inscrit dans un processus d'influences réciproques entre des acteurs sociaux. »


Acte social par excellence, telle est la communication. Démarche consciente ou inconsciente, elle nous relie les uns aux autres. Watzlawick, théoricien de la nouvelle communication aimait à dire : « on ne peut pas ne pas communiquer. »


Cette communication est régie par un système à canaux multiples, l'expression orale est enrichie parfois de gestes, de mimiques, de positions corporelles, de silences, etc. tous porteurs de signification.

Jean-Claude Abric poursuit en disant :

« la communication a donc toujours une finalité, un objectif. Cet objectif peut-être explicite, implicite ou non conscient… la question fondamentale que l'on devra se poser pour comprendre et intervenir dans les situations de communication sera : quels sont les objectifs réels des acteurs ? Car bien entendu, les objectifs annoncés peuvent parfaitement masquer des objectifs réels totalement différents.. . »

La communication fonctionne comme une grille de lecture des pratiques sociales. Ces pratiques sociales sont alors perçues comme comportant une dimension symbolique de travail sur les représentations que mettent en scène les institutions et les individus dans tous les domaines de l’existence.

 

Les cinq niveaux de l'intimité dans la communication

 

Suivant les personnes que nous rencontrons, nous n'établissons pas toujours nos échanges, avec le même engouement. Avec certains interlocuteurs notre degré de communication, bien que très agréable, est moins engageant, moins intime. A l'inverse, nous pouvons choisir, lors de situations particulières, d'oser un partage plus personnel voir affectif

Colette Portelance a établi une classification afin que toute personne puisse se situer quant au genre de communication qu'elle veut développer avec son entourage, le but étant de saisir, le pourquoi de ses satisfactions et de ses manques sur le plan relationnel. Cet auteure parle de cinq types de communication ou niveaux d'intimité.

La communication utilitaire

Cette communication sert dans le quotidien à ce qui est utile, à l'un ou l'autre des protagonistes.

L'adolescent se situe parfois dans une relation utilitaire au savoir qui lui sont transmis par ses enseignants. Il intègre volontiers les informations qui correspondent à ses intérêts du moment, ou qui lui sont, utiles. Face aux autres connaissances, il présente souvent une attitude d'indifférence ou d'ennui quand il ne perçoit pas, ne comprend pas « à quoi elles peuvent lui servir » ; notamment certains savoirs littéraires, philosophiques.

Ce type de communication est inévitable dans la relation. Peu de profondeur, peu d'engagement, mais elle entraîne souvent une forme d'insatisfaction à long terme.

La communication interpersonnelle

C'est souvent un échange, non impliquant. Les interlocuteurs parlent sur des personnes ou des événements extérieurs à eux-même.

La vérité intérieure fait défaut à ce genre de relations. On parle de tout, sauf de soi.

La communication narrative

Colette Portelance nous rappelle que le mot :

« narrer veut dire raconter et est synonyme de dépeindre, relater, rapporter. Quand on raconte quelque chose, on raconte généralement des faits... Il est difficile de vivre une relation satisfaisante quand la communication s'arrête à la narration des faits et quand elle ne va pas plus en profondeur. »

Ces types utilitaires, impersonnels et narratifs sont plus propices au contact social, ils permettent de recevoir et de donner sur le plan intellectuel ou matériel.

La communication personnelle

Cette communication révèle la personne humaine dans ce qu'elle a de particulier, d'unique, d'intime. Elle est essentiellement basée sur l'écoute de soi-même et de l'autre. Elle offre des échanges en profondeur, permettant l'expression des émotions et des sentiments.

« L'être humain est fondamentalement un être de relation et c'est dans la relation affective qu'il trouve la nourriture essentielle à sa réalisation. »

La communication intime

Cette communication incite et provoque des échanges sur un plan personnel. Les sentiments, les besoins, les peurs, les souhaits sont exprimés dans le but d'un plus grand partage, d'une plus grande connaissance de soi ou de l'autre, d'une transformation des affects négatifs en affects positifs.


L'auteur précise :

« la communication intime, par la qualité de l'engagement, de l'investissement et de l'authenticité qu'elle suppose, contribue, à plus ou moins long terme, au rétablissement et au renforcement du monde intérieur par l'expérience d'une relation profonde et vraie. Lorsque la communication atteint ce niveau d’intimité, elle devient non seulement libératrice mais créatrice … »

Comme nous l'avons vu précédemment dans cet écrit, les objectifs des différents acteurs présentent bien des dichotomies. Pour aller plus loin, il nous faut développer davantage ce concept de communication...

 

Comportement des individus lors des interactions

 

En 1959 Lewin

Lewin propose un modèle pour expliciter les comportements des individus lors d'interactions.
Il développe l'idée selon laquelle, tout individu est soumis à un ensemble de forces. Celles-ci peuvent s'apparenter à des pressions de l'environnement, des pressions psychologiques, des contraintes propres à l'histoire de l'individu. Tout ceci va engendrer des besoins, des tensions et provoquer des comportements spécifiques. Toute tension génère un besoin spécifique : réduire la dite tension pour revenir à un état d'équilibre.


La force positive provoque une tension psychologique positive (attraction) qui détermine un besoin spécifique : établir ou maintenir la relation.
Le comportement résultant sera par exemple : sourire, dire un mot aimable, etc. Les comportements correspondant à ce contexte « positif » sont appelés comportements d'approche. Ils constituent le jeu des désirs.


La force négative provoque au contraire une tension psychologique négative (répulsion) qui détermine un besoin spécifique : éviter ou rompre la relation. Le comportement résultant sera par exemple : être agressif, détourner le regard, s'opposer,... etc. Ces comportements d'évitement constituent le jeu des défenses. .

Il sera nécessaire dans toute analyse d'interactions de chercher à savoir :

  • Qu'est-ce que l'individu cherche à atteindre ?
  • Qu'est-ce qu'il cherche à éviter ?

« Ce double jeu des forces positives et négatives correspond à celui des désirs et des défenses qui fait que toute communication repose ou produit un système de contrôle, de transformation, de filtrage ou de sélection de l'information qui peut certes être délibéré mais qui dans la plupart des cas est inconscient. »


Plusieurs mécanismes apparaissent dans les interactions communicationnelles

 

Les mécanismes projectifs

Ce sont des procédés inconscients qui consistent à rejeter sur l'autre ce que le sujet refuse inconsciemment d'accepter comme faisant partie de lui. La personne qui se défend par la projection réagit à son entourage en lui attribuant les pulsions, les habitudes, les émotions qu'elle n'accepte pas de vivre elle-même parce qu'elle les juge inconsciemment anormales, mauvaises ou insupportables.

Assimilation d'autrui.

Mécanisme permettant d'assimiler la pensée d'autrui à la sienne... (Il fonctionne comme moi). à ce moment là il y a le danger, de ne pas prendre en compte la différence, la spécificité de l'interlocuteur.

Projection de comportement.

Ce mécanisme permet d'attribuer aux autres des comportements permettant de justifier des attitudes envers lui. (Par exemple attribuer à l'autre , un comportement agressif qui justifie ma propre agressivité projetée...)


Les mécanismes de défense

Moyen inconscient utilisé par le psychisme pour se protéger contre la présence d'émotions désagréables qui émergent d'un processus relationnel réel ou imaginaire. L'individu se défend inconsciemment et ne peut donner satisfaction à ses besoins parce que son attitude défensive bloque l'écoute de sa vie émotionnelle.

Cela peut se manifester par un refoulement des émotions.

Flora Luciano-Bret, précise que l'enfant à force de se maîtriser, de s'immobiliser, d'adapter son écriture, son langage s'habitue tant bien que mal à « s’en corseter à s’aseptiser. L'école est intuitivement perçue comme une machine à refouler. Or nous savons depuis la psychanalyse que tout ce qui est refoulé est susceptible d'émerger en puissance et en différé. »

  • Une introjection : façon de sentir, de juger d'évaluer que nous avons emprunté à quelqu'un d'autre et que nous avons intégrée dans notre comportement.
  • La rationalisation : mécanisme qui consisteà faire appel inconsciemment à la raison pour résoudre des problèmes d'ordre émotif ou affectif. Ce dernier bloque le processus relationnel parce qu'il décroche l'individu de son vécu et de lui-même.
  • Le déplacement : il consiste à modifier les données de la situation réelle en attribuant à un autre objet les motifs du déséquilibre.

Au moment de sa formation le mécanisme de défense a toute sa raison d'être, car il nous protège, et constitue en quelque sorte un moyen de survie. Mais à long terme s'il n'est pas regardé, analysé, il peut provoquer une sorte d'enfermement.

Certains adolescents pris dans leur tumulte émotionnel peuvent se barricader, et devenir insensibles à leurs émotions comme à celles des autres. Ceci peut avoir de graves conséquences au niveau relationnel. Car c'est au moment où la personne est le plus en souffrance qu'elle provoque une fermeture, refusant toute aide, et consolidant sa forteresse intérieure.

Le système de représentation

Selon Serge Moscovici, il n'existe pas de coupure entre l'univers intérieur et extérieur d'un individu : sujet et objet ne sont pas distincts. Le sujet ne réagit pas au stimulus tel qu'il est, mais à un stimulus déjà reconstruit en fonction de la relation que le sujet entretien avec l'objet. Il n'y a donc pas de réalité objective, mais une réalité représentée.

Jean-Claude Abric appelle représentation, « le produit et le processus d'une activité mentale par laquelle le sujet ou le groupe reconstruit le réel auquel il est confronté et lui attribue une signification spécifique. »

Ceci implique que :

  • Toute réalité va être appropriée, reconstruite.
  • Les individus réagissent non pas à la réalité, mais à la représentation qu'ils en ont.
  • Cette reconstruction de la réalité est déterminée par deux types de facteurs : des facteurs sociologiques (liés au contexte) et des facteurs psychologiques (liés à l'histoire personnelle du sujet).
  • Dans toute situation de communication, c'est la représentation de cette situation qui détermine le comportement des individus.


A partir des trois éléments constitutifs d'une situation de communication qui sont : soi, autrui et la tâche dans son contexte (objectif et environnement de la communication) nous considérerons les trois modes de représentation correspondant :


Représentation de soi

C'est la plus complexe à étudier. Nous pouvons considérer deux niveaux :

  • le Moi intime : l'image que je me fais de moi-même, ce que « je pense être ».
  • le Moi public : l'image de moi que je veux donner aux autres, ce que « je veux paraître».

Représentation d'autrui

C'est l'image que je me fais de l'autre : ses caractéristiques psychologiques d'une part, sociales d'autre part.
Cette représentation de l'autre joue un rôle déterminant dans la communication, relativement aux types d'attitudes ainsi qu'aux codes et supports utilisés. L'inadéquation entre la représentation de l'autre et ce qu'il est réellement est une cause importante de dysfonctionnement dans la communication.


Représentation de la tâche et du contexte (environnement).

La représentation de la tâche intervient directement dans la démarche cognitive des individus. Elle inclut la représentation de la finalité des situations (enjeu), ainsi que celle des composantes et de la nature de la tâche, qui vont déterminer les moyens à mettre en oeuve pour la réaliser.


La représentation du contexte détermine le type de comportement acceptable par l'individu dans cette situation.
Pour conclure sur cette représentation simplifiée du concept de représentation, nous soulignons les points suivants :
Pour appréhender une situation de communication, il est nécessaire de prendre en compte les représentations de l'autre..