Qu'est ce que la communication
Les contours de la notion de communication
Personne ne peut douter de la pluralité des usages du terme de communication. A tel point que ce terme offre une parfaite illustration de l’aphorisme du philosophe autrichien Wittgenstein pour qui « un mot n’a pas de sens mais seulement des significations ». En effet, le sens de ce mot n’est pas fixé une bonne fois pour toute dans la mesure où il dépend directement du contexte dans lequel il est utilisé. Dit autrement, il n’est pas aberrant d’affirmer que le terme de « communication » n’a pas de sens mais seulement des usages qui varient en fonction des situations. Si le flou de la notion de communication ne fait aucun doute, on peut tout de même tenter de discriminer les principaux domaines auxquels elle se rapporte. A titre d’exemple, voici trois propositions pertinentes de définition
de la notion de communication proposées par des chercheurs et universitaires
en sciences sociales.
Afin de distinguer les activités humaines qui relèvent de la communication, Daniel Bougnoux propose d’associer le concept de communication à toutes les formes d’action de l’homme sur l’homme, par opposition à la relation sujet/objet. L’action communicationnelle, affirme l'auteur ne met pas en relation le sujet et l’objet mais le sujet avec le sujet. S’il fallait définir ce terme par une simple formule, on pourrait ainsi affirmer que la communication, c’est l’homme agissant sur les représentations de l’homme par le détour des signes. La communication, c’est aussi, et même avant tout, du lien social. Toutefois, si l’on en croit Philippe Breton , le discours qui fait de la communication une valeur centrale à laquelle il est nécessaire de recourir systématiquement pour résoudre toutes sortes de problèmes sociaux et économiques est, d’apparition historique assez récente. Selon lui, ce qu’on appelle l’idéologie de la communication est née en occident dans les années comprises entre 1940 et 1950. Jacqueline de Romilly nous précise qu'au temps de la Grèce antique, la parole permettait déjà « d'offrir une substitution » à la situation de violence, avec la mise en place des jeux sur l'agora , et de l'institution du tribunal, qui opérait comme un ersatz à la vengeance et à la guerre... Jacqueline de Romilly, la Grèce antique contre la violence (page 16-17)
Les grecs qualifiaient en effet de barbares, c’est-à-dire, étymologiquement, ceux qui parlent par borborygmes, toutes les populations qui ne parlaient pas leur langage, donc qui ne pouvaient pas communiquer avec eux et accéder, du même coup, à la raison. Les citoyens grecs sont particulièrement encouragés à prendre la parole et ceci fait partie des devoir civiques.
« la justice grecque inaugure un changement radical qui seule permet un début de pacification des rapports sociaux... Un pas décisif a été franchi, on a imaginé un monde moins violent et c'est la parole qui est l'outil de cette transformation. De cet espoir, la parole sort avec le statut d'un idéal pacificateur ».
Deux grands modèles d'analyse de la communication dominent le champ
ShannonEn 1952, l'ingénieur Shannon élabore une théorie, en lien avec des observations et des travaux réalisés par les ingénieurs en télécommunications. Son objectif était d'améliorer la transmission d'une information d'un point à un autre. Il met en évidence la relation entre un émetteur, la personne qui envoie le message et un récepteur la personne qui le reçoit. Pour que tout ceci soit compréhensible il est nécessaire d'avoir un codage, ainsi qu'un canal de communication. Afin d'être efficace, ce système doit avoir une modalité de contrôle : c'est le feed-back, ou boucle de rétroaction du récepteur vers l'émetteur.
L'analyse psychosociologiqueUne approche nous intéresse davantage pour ce thème,
c'est l'analyse psychosociologique de la communication. « La communication est l'ensemble des processus par lesquels s'effectuent les échanges d'informations et de significations entre des personnes dans une situation sociale donnée.Échanges d'information, de signification : les processus de communication sont donc fondamentalement sociaux, ils reposent et sont déterminés par les phénomènes d'interaction. Toute communication est une interaction. Étant une interaction, elle se présente comme un phénomène dynamique produisant une transformation. C'est-à-dire qu'elle s'inscrit dans un processus d'influences réciproques entre des acteurs sociaux. »
Jean-Claude Abric poursuit en disant : « la communication a donc toujours une finalité, un objectif. Cet objectif peut-être explicite, implicite ou non conscient… la question fondamentale que l'on devra se poser pour comprendre et intervenir dans les situations de communication sera : quels sont les objectifs réels des acteurs ? Car bien entendu, les objectifs annoncés peuvent parfaitement masquer des objectifs réels totalement différents.. . »
La communication fonctionne comme une grille de lecture des pratiques sociales.
Ces pratiques sociales sont alors perçues comme comportant une dimension
symbolique de travail sur les représentations que mettent en scène
les institutions et les individus dans tous les domaines de l’existence.
Les cinq niveaux de l'intimité dans la communication
Suivant les personnes que nous rencontrons, nous n'établissons pas toujours nos échanges, avec le même engouement. Avec certains interlocuteurs notre degré de communication, bien que très agréable, est moins engageant, moins intime. A l'inverse, nous pouvons choisir, lors de situations particulières, d'oser un partage plus personnel voir affectif Colette Portelance a établi une classification afin que toute personne puisse se situer quant au genre de communication qu'elle veut développer avec son entourage, le but étant de saisir, le pourquoi de ses satisfactions et de ses manques sur le plan relationnel. Cet auteure parle de cinq types de communication ou niveaux d'intimité. La communication utilitaireCette communication sert dans le quotidien à ce qui est utile, à l'un ou l'autre des protagonistes. L'adolescent se situe parfois dans une relation utilitaire au savoir qui lui sont transmis par ses enseignants. Il intègre volontiers les informations qui correspondent à ses intérêts du moment, ou qui lui sont, utiles. Face aux autres connaissances, il présente souvent une attitude d'indifférence ou d'ennui quand il ne perçoit pas, ne comprend pas « à quoi elles peuvent lui servir » ; notamment certains savoirs littéraires, philosophiques. Ce type de communication est inévitable dans la relation.
Peu de profondeur, peu d'engagement, mais elle entraîne souvent une forme
d'insatisfaction à long terme. La communication interpersonnelleC'est souvent un échange, non impliquant. Les interlocuteurs parlent sur des personnes ou des événements extérieurs à eux-même. La vérité intérieure fait défaut à ce genre de relations. On parle de tout, sauf de soi. La communication narrativeColette Portelance nous rappelle que le mot : « narrer veut dire raconter et est synonyme de dépeindre, relater, rapporter. Quand on raconte quelque chose, on raconte généralement des faits... Il est difficile de vivre une relation satisfaisante quand la communication s'arrête à la narration des faits et quand elle ne va pas plus en profondeur. » Ces types utilitaires, impersonnels et narratifs sont plus propices au contact
social, ils permettent de recevoir et de donner sur le plan intellectuel
ou matériel. La communication personnelleCette communication révèle la personne humaine dans ce qu'elle a de particulier, d'unique, d'intime. Elle est essentiellement basée sur l'écoute de soi-même et de l'autre. Elle offre des échanges en profondeur, permettant l'expression des émotions et des sentiments. « L'être humain est fondamentalement un être de relation et c'est dans la relation affective qu'il trouve la nourriture essentielle à sa réalisation. » La communication intimeCette communication incite et provoque des échanges sur un plan personnel. Les sentiments, les besoins, les peurs, les souhaits sont exprimés dans le but d'un plus grand partage, d'une plus grande connaissance de soi ou de l'autre, d'une transformation des affects négatifs en affects positifs.
« la communication intime, par la qualité de l'engagement, de l'investissement et de l'authenticité qu'elle suppose, contribue, à plus ou moins long terme, au rétablissement et au renforcement du monde intérieur par l'expérience d'une relation profonde et vraie. Lorsque la communication atteint ce niveau d’intimité, elle devient non seulement libératrice mais créatrice … » Comme nous l'avons vu précédemment dans cet écrit, les
objectifs des différents acteurs présentent bien des dichotomies.
Pour aller plus loin, il nous faut développer davantage ce concept de
communication...
Comportement des individus lors des interactions
En 1959 LewinLewin propose un modèle pour expliciter les comportements des individus
lors d'interactions.
Il sera nécessaire dans toute analyse d'interactions de chercher à savoir :
« Ce double jeu des forces positives et négatives correspond à celui des désirs et des défenses qui fait que toute communication repose ou produit un système de contrôle, de transformation, de filtrage ou de sélection de l'information qui peut certes être délibéré mais qui dans la plupart des cas est inconscient. » Plusieurs mécanismes apparaissent dans les interactions communicationnelles
Les mécanismes projectifsCe sont des procédés inconscients qui consistent à rejeter sur l'autre ce que le sujet refuse inconsciemment d'accepter comme faisant partie de lui. La personne qui se défend par la projection réagit à son entourage en lui attribuant les pulsions, les habitudes, les émotions qu'elle n'accepte pas de vivre elle-même parce qu'elle les juge inconsciemment anormales, mauvaises ou insupportables. Assimilation d'autrui. Mécanisme permettant d'assimiler la pensée d'autrui à la sienne... (Il fonctionne comme moi). à ce moment là il y a le danger, de ne pas prendre en compte la différence, la spécificité de l'interlocuteur. Projection de comportement. Ce mécanisme permet d'attribuer aux autres des comportements permettant
de justifier des attitudes envers lui. (Par exemple attribuer à l'autre
, un comportement agressif qui justifie ma propre agressivité projetée...) Les mécanismes de défenseMoyen inconscient utilisé par le psychisme pour se protéger contre la présence d'émotions désagréables qui émergent d'un processus relationnel réel ou imaginaire. L'individu se défend inconsciemment et ne peut donner satisfaction à ses besoins parce que son attitude défensive bloque l'écoute de sa vie émotionnelle. Cela peut se manifester par un refoulement des émotions. Flora Luciano-Bret, précise que l'enfant à force de se maîtriser, de s'immobiliser, d'adapter son écriture, son langage s'habitue tant bien que mal à « s’en corseter à s’aseptiser. L'école est intuitivement perçue comme une machine à refouler. Or nous savons depuis la psychanalyse que tout ce qui est refoulé est susceptible d'émerger en puissance et en différé. »
Au moment de sa formation le mécanisme de défense a toute sa raison d'être, car il nous protège, et constitue en quelque sorte un moyen de survie. Mais à long terme s'il n'est pas regardé, analysé, il peut provoquer une sorte d'enfermement. Certains adolescents
pris dans leur tumulte émotionnel peuvent se barricader, et devenir
insensibles à leurs émotions comme à celles des autres.
Ceci peut avoir de graves conséquences au niveau relationnel. Car c'est
au moment où la personne est le plus en souffrance qu'elle provoque
une fermeture, refusant toute aide, et consolidant sa forteresse intérieure. Le système de représentationSelon Serge Moscovici, il n'existe pas de coupure entre l'univers intérieur et extérieur d'un individu : sujet et objet ne sont pas distincts. Le sujet ne réagit pas au stimulus tel qu'il est, mais à un stimulus déjà reconstruit en fonction de la relation que le sujet entretien avec l'objet. Il n'y a donc pas de réalité objective, mais une réalité représentée. Jean-Claude Abric appelle représentation, « le produit et le processus d'une activité mentale par laquelle le sujet ou le groupe reconstruit le réel auquel il est confronté et lui attribue une signification spécifique. » Ceci implique que :
Représentation de soiC'est la plus complexe à étudier. Nous pouvons considérer deux niveaux :
Représentation d'autruiC'est l'image que je me fais de l'autre : ses caractéristiques psychologiques
d'une part, sociales d'autre part. Représentation de la tâche et du contexte (environnement).La représentation de la tâche intervient directement dans la démarche cognitive des individus. Elle inclut la représentation de la finalité des situations (enjeu), ainsi que celle des composantes et de la nature de la tâche, qui vont déterminer les moyens à mettre en oeuve pour la réaliser.
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